L'orgue historique de Juvigny

 


 

L’église de Juvigny a gardé sa nef du 12ème avec quelques chapiteaux frustes mais le portail et le perron furent restauré fin 18ème, le transept, le chœur et le chevet mi 19ème en néo-gothique. 

Depuis la Révolution, l’église abrite l’ancienne chaire à prêcher de l’Abbatiale St-Remi de Reims (# 17ème), rachetée en 1793 après un transit de plus de quarante ans par le jardin de l’église de Condé sur Marne, et surtout l’ancien Orgue du couvent des Cordeliers de Châlons >>.

Cet instrument fut construit à partir de 1663 par Jehan de Villiers dans le meuble de Martin Frestat. La mort prématurée de J de Villiers interrompit cette construction ainsi que celle de l’orgue de St Remi de Reims et il fut relayé par le parisien Jacques Carouge. L’orgue a probablement été restauré courant 18ème selon les documents de 1791. L’instrument fût acheté par la paroisse de Juvigny à la vente  du 28 mars 1792 pour 860 Livres. René Cochu était alors chargé d’adapter l’instrument à l’église de Juvigny en raccourcissant le buffet d’environ 1 m (les trous des anciens tirants sont maintenant au niveau du sol), en supprimant des statues et en modifiant la mécanique. Il en fit alors une description complète. La dépense totale s’éleva à 2350 L. Les dépenses engagées depuis par la paroisse témoignent de l’attachement des Juvignots à cet instrument !

Les premières modifications sont apportées en 1850 par Alfred Abbey, remplaçant la façade du Positif, modifiant la composition, et installant une soufflerie neuve. Les interventions de 1889, et 1893 furent plus graves : l'instrument avait perdu ses sommiers et sa mécanique de Grand Orgue, et ne conservait plus que 11 de ses jeux d'origine, plus 8 plus ou moins transformés et incomplets. Après son relevage en 1927, l'orgue resta en service jusqu'en 1940 puis oublié. 

En 1985, la Direction du Patrimoine chargeait Eric BROTTIER organiste titulaire (ENSAM, carillonneur de Notre-Dame en Vaux à Châlons, aujourd’hui expert en orgues anciens et carillons), de réaliser l'inventaire détaillé de l'instrument, en vue d'une restauration complète. La municipalité, Eric Brothier et l’Association des Amis de l’Orgue de Juvigny, créée en 1985, obtinrent les financements pour la restauration. Celle-ci fut réalisée de 1990 à 1994, complétée de travaux sur l'église; elle a été confiée au facteur réputé Pascal Quoirin, facteur d'orgues à Saint-Didier (Vaucluse). L’orgue conservait encore suffisamment d’éléments (buffet, 1 sommier du 17ème siècle et 50% de tuyaux anciens) pour envisager la reconstruction de l’orgue dans son esprit d’origine (17ème siècle). Elle fut menée de 90 à 92 selon les préconisations de J-Marie Maignien, technicien-conseil et Michel Chapuis. La repose de l’orgue n’a pu se faire qu’après consolidation du fronton et du perron de l’église.

LIENS EXTERNES

 


Michel CHAPPUIS 1994

L'inauguration eut lieu du 20 au 23 mai 1994 avec la participation d’une dizaine d’organistes. Les œuvres étaient groupées par sessions de même accord et Pascal Quoirin réaccordait l’orgue entre chaque. Lors de son allocution, Michel Chapuis affirmait alors qu’il s’agissait là du principal représentant de la musique d’orgue française du 17ème. (ci-contre)   

La composition conçue par Jehan de Villiers est caractéristique du début 17ème, pré-classique, proche de celle décrite par Mersenne (L’Harmonie universelle, Paris, 1636). N’ayant pas les compétences, je laisse la parole à Eric Brothier :

« Mais la révélation sonore qu'apporte l'orgue de Juvigny depuis sa restauration tient surtout au fait qu'elle permet d'apprécier de nombreux mélanges non "conventionnels", notamment celui du plein-jeu avec la tierce (fut-elle flûtée), convainquant si l'on évite l'adjonction des cymbales, ce que signale Mersenne. Outre l'aspect de la composition, les caractéristiques de facture dont témoigne l'instrument en sont également la preuve: la flûte d'Allemand aux sonorités magiques est pratiquement le seul jeu de cette nature qui subsiste en France aujourd'hui: elle est construite selon la description qu'en donne Mersenne. La tessiture réduite à 47 notes, la disposition du sommier de grand-orgue en mitres par tierces, l'étroitesse caractérisée des tailles des principaux, outre qu'elle favorise d'autant plus la faculté à mélanger entre eux des jeux issus de familles distinctes, confère une luminosité sonore exceptionnelle qui est vraisemblablement l'une des caractéristiques propres à l'orgue du 17ème siècle. »